Dessin d'un être mi-cheval, mi-humain

Martial au rouge chant du coq qui flamboie. Partie 3

         Lapin a tout entendu. Il va raconter à Martial le cheval que Loup fait du gringue à sa jument. Qu’il lorgne sa croupe en passant sur le côté. Des fois même les dimanche. Et Lapin sur son demi-course va frôler les murs dans la nuit noire dare-dare jusqu’au hameau de Loqueteau. Il demande à être entendu par les autorités. On lui fait signer une décharge. C’est bon faites entrer répond Martial dans la salle à manger. Il fait semblant de remplir des formulaires : dis donc, ta bonne femme le Loup lui tournicote autour dit le lapin hilare. Ha bon répond Martial mince alors t’es sûr ?. Sûr et certain répond l’autre. Ah le saligaud. Ah le vilain groin malsain.

         La mobilisation générale est décrétée dans tout le cap Sizelé. Loup prend la fuite à l’étranger comme par hasard chez les bigoudens. C’était même pas un gars du coin. On déchire son portrait dans toute la péninsule. Il est déboulonné. On dit voleur. On dit marsouin. On brûle son image et on saute à pieds joints sur les bouts éparpillés. On fout le feu partout. Ça vous troue les granges, toute cette agressivité. De l’essence est répandu par les guerriers. Les louveteaux sont trouvés et pendus par les pieds. Après c’est la guerre entre les animaux. Les domestiqués contre les ensauvagés. On creuse des tranchées au pied des arbres centenaire. On grève le pays d’impôts pour engager des mercenaires.

         Quand même Les soldats sont contents. Ils dorment sur des matelas de foin. Ils mangent du bon pâté. Ils ont droit des quarts de vin. Ils boivent de l’amélioré dans le hameau de Loqueteau. L’alcool titre à 40. Les glottes sont réchauffées. La guerre c’est bien. Le canon peut tonner. Le moulin peut tourner. On se met à danser. Les petits corps peuvent exploser comme des boîtes de cassoulet périmées. On court après le Loup un peu partout dans le coin. Pendant quatre ans, ça tonne. C’est chaud. Les animaux sauvages deviennent de vraies bêtes sauvages. Tous les jours, Martial prononce un fameux discours. Il fait des allocutions à la télévision. On ne saurait les dénombrer. Chaque mot s’imprime dans le cerveau paysan. Y’en a qui savent bien causer.

         Un jour le Loup se rend devant Martial qui sur le moment disait trop rien. Ça faisait un moment déjà qu’il pensait à la retraite. Il dit c’est bon j’ai plus vingt ans. Il a l’air fin bourré. Demain il va le regretter, brumes disséminées. Langue pendante sur le côté. Poil poivré. Queue entre les pattes tout ça. Il voudrait pleurer : rien ne vient. il sait même plus dire pain. Devant Martial il met ses bottes sur le bureau, le poivreau. Très cavalier. Je suis saoul, dit le loup et puis j’ai mal aux pieds. C’est pas tout ça mais j’ai un ongle incarné. J’ai pris des mauvaises habitudes mon salaud je fume : de mal en pis en plus des rapines. A l’armée clope sur clope dès le matin. Ça ne se fait pas. C’est depuis que j’ai fait mon service militaire. J’ai pris du bide, un brin. Le rata tout ça. Les pommes d‘amour sur les côtés.

         J’étais né pour courir la gueuse éperdu dans la steppe. Ce soir j’ai bu c’est vrai tout mon saoul. Qui pour me jeter la pierre ? La chouette est parfaitement pompette avec la meute hulule la nuit on l’entend dans Keryar. Pareil dans le ventre du loup. Ça fait des glouglous comme s’il avait mangé du mouton aux flageolets. J’ai pas digéré dit-il. J’ai des renvois dedans mon ventre. J’ai des grenouilles aussi. Quand tu grattes un peu le bide ça plisse le poil à rebrousse-poil ; t’as remarqué ? Ça y’est le Loup a largué les amarres : qu’on lui jette un filin. Il se plaint de Martial sauf que Martial est là devant lui. C’est qui le patron nom d’un chien. Le patron c’est celui qui paie, main droite dans le tiroir du bureau. Dans l’autre un pistolet.

         C’est les détails intimes. C’est vrai qu’il fait pitié. Ça dégouline partout dans les coins. Martial fronce les sourcils. Le loup dit je suis gris un peu. Comme une bouée qui se noie de chagrin. Il pleure à chaudes larmes et chante au petit matin. Gueule pendante de loup coincé en son terrier. Implore. Il a l’air d’un petit chiot couinard. Fiante de furet un peu dégueu plus bas que terre sur le côté sous la feuille morte en traitre. Les mots dans sa bouche sont confus et tournent en panique comme des chiots sortis d’un sac de jute, tenus en boule au fond et montrés mignons bâtards par un marchand à des paysannes en coiffes sur la place du marché venues au départ pour acheter des semences de blé. Ça parle en crépuscule ma parole. Ça part en chat sournois luttant pour son territoire sur un pâté de maison. Pff! Pff! C’est pas des conversations à avoir. A partir de là on comprends plus rien. Loup est bien attrapé. Mâchoire et panse prise de vin. La victoire est annoncée. Les blindés remontent du front. On voit les chenilles faire de drôles de dessins sur la neige gelée. Les troufions reviennent et chantent. Daphné pleure dans la neige. Longs cheveux blancs étincelants de givre. On lui lance un bouquet de la plus haute tour. On la bourre de coups de poings et de baisers chagrins comme si elle voulait se faire crucifier. Ça fout des frissons. Partout dans les coins.

Loup

Tu ne sortiras pas du bois

Lalala.

Fin