Ce sont des peintures figuratives. Au début on pouvait voir des personnages flotter sur des formats imposants qui paraissaient trop grands pour eux. Il s’agissait de figures drolatiques hautes en couleur cernées d’un épais trait de contour. Ces bonhommes semblaient des représentations de fantômes en pyjamas laissés-là dans les recoins d’un vieux grenier ou des apparitions grinçantes en marge d’un cahier d’écolier. Persistait une ironie entre l’œuvre peinte sur les tableaux avec ses champs de couleurs vives et la simplicité pauvre du dessin caricatural. Demeurait la sensation d’une sorte de vide. On aurait dit un défaut de sens qui s’obstinait. Du non-drôle qui ne collait pas. Fallait-il le déplorer ?

Progressivement les aplats et les éléments se sont multipliés. Les arrière plans et les fonds se sont remplis d’objets, de lignes, de formes. Des liens ont été jetés par le jeu de la couleur entre les éléments. C’est ludique : à présent des plantes vertes croissent librement. Les éléments mis ensemble finissent par former des paysages peuplés ou non de personnages variés. Quand ils existent ces êtres sont des éléments du décor au même titre que les autres formes géométrisées qui les englobent alentour, même si on peine encore à leur trouver une fonction tant les créatures dans ce petit monde paraissent désœuvrés. Il n’y a pas de hiérarchie mais de la vacuité. La bouteille du sens n’a toujours pas été remplie jusqu’au goulot malgré les efforts du peintre année après année.

C’est psychédélique. Il ne manquait plus que cela. Voilà des personnages égarés, des animaux hybridés avec des objets du quotidien issus d’une avant-garde maltraitée et donc peut-être porteurs de mémoire. Ils se changent parfois en promeneurs solitaires évoluant dans un environnement constituée d’arbres rond, d’herbes triangulaires, de souches aux pieds carrés, d’océans rectangulaires, de nuages souriants et zébrés. Des lignes ondulées signifieraient le vent. Des cercles colorés voleraient dans le ciel comme le soleil. Le ciel est un élément important. C’est important qu’il soit bleu mais pourrait aussi bien être peint orange. L’image vide domine la vanité de ce monde qui tourne sur lui-même comme un disque rayé sans jamais s’arrêter, de plus en plus vite et de plus en plus chaud. Ces rayures sont des touches de peintures qui viennent se fondre les unes dans les autres avant de disparaitre à jamais comme la pluie dans le vaste océan qui finira bien un jour par s’assécher complètement, rendant un bruit de crécelle au fin fond de la froide nuit de l’univers.

Pont-Croix le 16 juillet 2025.